La recherche d'une cohérence territoriale. Une échelle de résilience, de gouvernance, de régénération, pour faire société.

« La coévolution entre les humains et les systèmes naturels ne peut être entreprise que dans des lieux spécifiques, en utilisant des approches qui leur sont précisément adaptées. »

Une exploration pour 2024-25

Nous vivons une époque de mutations, toutefois emplie de paradigmes persistants et parfois réducteurs, qu’il est parfois difficile de mettre en débat. Et pourtant.

Alors que la mondialisation s’est imposée à nous et a eu pour effet d’augmenter l’interdépendance économique des États, le développement de la qualité de vie de nos territoires devient une préoccupation croissante aux quatre coins du monde provoquant souvent du repli sur soi.

Cette époque de mondialisation a généré de nombreux bienfaits mais montre depuis longtemps des limites et des risques tant économiques (pensons à la période Covid, à l’Evergreen, aux moussons asiatiques qui ont bloqué des chaînes de production, etc.), que sociaux (malgré un développement humain, les problèmes persistent, voire s’amplifient) et bien sûr environnementaux.

TerraLab, comme de nombreux acteurs à travers le monde, pense que le biorégionalisme est une notion, une approche de questionnement et de construction collective porteuse, et entend l’explorer et la mettre en débat auprès de différents publics.

Un débat bien au-delà d’une opposition réductrice à la mondialisation. Certaines choses le resteront bien évidemment, mais le biorégionalisme offre peut-être bien des pistes pour certains changements bénéfiques pour nos collectivités territoriales !

Mais alors, qu’est-ce que c’est que le biorégionalisme… en quelques mots ?

Le biorégionalisme est une approche politique, économique et culturelle basée sur les spécificités écologiques de territoires baptisés biorégions. Le biorégionalisme cherche à recréer une harmonie entre la culture humaine et l’environnement naturel.

Le biorégionalisme est une notion et une approche de développement territorial profondément systémique. L’essence même du concept repose sur la région qui accueille la Vie. Un territoire qui se caractérise par le vivant qu’il héberge, par toutes les formes de vie qui l’habitent. La biorégion est donc un territoire dont la délimitation tient compte à la fois de sa singularité biologique, ses caractéristiques écosystémiques, ses contours géographiques, sa configuration hydrographique et ses particularités climatiques, mais aussi des communautés humaines qui y vivent et qui le “co-produisent”.

« La biorégion est le lieu et l’échelle les plus logiques pour l’installation et l’enracinement durables et vivifiants d’une communauté” (Robert Thayer cité par Mathias Rollot dans “Aux origines de la Biorégion” )

L’approche propose un changement de perspective, une reconnexion de l’humain au Vivant, des humains à leur territoire considéré comme un sujet à ménager, une réalité qui fait sens et auxquels beaucoup sont attachés. Un attachement qui apporte de la raison, de la profondeur et du sens à l’intentionnalité des actions, mais aussi aux actions elles-mêmes qui sont alors ancrées et adaptées aux spécificités dudit territoire.

Comme le souligne Kirkpatrick Salele seul moyen pour que les gens adoptent un « bon » comportement et agissent de manière responsable, c’est de mettre en évidence le problème concret, et de leur faire comprendre leurs liens directs avec ce problème – et cela ne peut être fait qu’à une échelle limitée […]. »

L’exploration du biorégionalisme de TerraLab ne doit pas être lue dans une dimension poétique ou de repli identitaire, car elle est fondée sur une approche systémique dynamique où tout territoire, comme tout système, est lié, interdépendant et participe au bien-être des ensembles qui lui sont supérieurs (région, État, biosphère).

Essentiellement, cette approche permet de nourrir la réflexion des acteurs politiques, des entreprises, des acteurs en général, sur le lien à leur territoire, leurs spécificités et leur potentiel propre, mais aussi leurs interconnexions et interdépendances à d’autres territoires.

La notion de biorégionalisme est donc autant utile pour le développement d’une identité territoriale qui peut nourrir le développement de filières économiques que générer des collaborations croisées entre acteurs dudit territoire, comme avec ceux d’autres territoires.

Le biorégionalisme est profondément ancré dans la notion de résilience, à nouveau adaptée à ses spécificités propres et à ses inter-relations.

Le biorégionalisme est aussi, même si abordé un peu autrement, au coeur du design et développement régénératif, une approche méthodologique qui attire actuellement beaucoup d’attention.

Quelques questions et réponses

TerraLab vise à mener en 2024-2025 une exploration ouverte du concept, comme ressource pour le développement des potentiels de nos territoires. Ceci implique une réflexion critique et des nuances, adaptées aux contextes et aux acteurs.
Les explications suivantes se veulent donc introductives pour nourrir la réflexion, et seront questionnées et critiquées lors d’évènements par des experts et des acteurs territoriaux.

Non, au contraire.

En envisageant le retour au local de façon écocentrée, le biorégionalisme remet d’abord la nature au centre de son projet et non l’affirmation des cultures locales. 

Il propose d’ouvrir les esprits en reconsidérant le sens de la vie humaine et il est une invitation concrète à redescendre sur terre, à s’intéresser aux lieux qu’on habite, aux choses matérielles desquelles on dépend ou à l’impact qu’on a autour de nous. Il induit donc une prise de conscience de la nécessité d’interagir avec les biorégions voisines qui ont des caractéristiques propres et complémentaires. Nulle biorégion ne cherche à vivre en autarcie et les échanges des spécificités locales entre voisins sont privilégiés.

Les limites de la biorégion sont floues et « poreuses » car les biorégions doivent être comprises dans un assemblage de tailles différentes : à l’intérieur d’une grande biorégion (un plateau ou un bassin versant), il est possible de découper d’autres biorégions plus petites. Si le biorégionalisme se pense de manière locale, il se caractérise aussi et surtout par un entrelacement d’échelles. 

Dans les faits, tout un chacun partage donc sa vie entre plusieurs biorégions.

L’approche systémique du design régénératif nous permettra d’ouvrir aussi d’autres niveaux de lecture de cette complexité dynamique.

Oui et non. 

Dans toute réflexion biorégionale se pose la question de l’attitude à adopter face à la production industrielle. Si l’industrialisation nous a permis d’atteindre un niveau de confort, de santé, et de sophistication culturelle inouïe, elle est aussi la cause de la transformation du monde entier en une gigantesque usine qui est en train de dévaster la planète tout entière. 

Si pour ces raisons, le biorégionalisme réinterroge le dispositif de production locale et remet en question l’industrialisation, il ne la dénonce pas dans l’absolu. 

Le projet biorégional visera plutôt une industrie à forte valeur ajoutée d’usage, basée sur des ressources et des savoirs locaux, passés, actuels et potentiels. Il propose donc d’éviter toute fabrication engendrant des produits inutiles et/ou aux externalités nuisibles ; de favoriser la régénération des territoires, la coévolution entre la nature et la culture ainsi que l’épanouissement de l’ensemble des acteurs ; d’allier désirabilité et pérennité dans le respect de la durabilité environnementale, économique et sociale …

Si repenser le territoire en termes de biorégion invite à envisager la dé-densification des métropoles et de les concevoir de manière décentralisée, moins hiérarchisée, il ne s’agit pas tant de rompre la barrière entre la ville et la nature mais plutôt de repenser l’urbain dans son ensemble. Penser la biorégion c’est repenser la relation entre monde urbain et monde rural, et notamment agricole.

Afin de remédier aux conséquences désastreuses du modèle productiviste de l’agriculture industrielle, le biorégionalisme vise la relocalisation radicale de la production agricole et par conséquent le renouveau d’une agriculture de terroir, au maximum. Celle-ci serait enrichie par des coopérations et échanges avec des régions adjacentes – car on ne peut produire localement tout ce qui est nécessaire – et plus lointaines de façon consciente, réfléchie et raisonnable.

Dans les parties du monde densément peuplées, aires urbaines et aires agricoles doivent donc retrouver une connexion intime. Cela conduit en outre à envisager la mise en place d’un urbain agricole basé sur une cartographie nourricière (territoire urbain, périurbain et rurbain), qui engagerait tout le potentiel d’une polyculture créative et diverse.

Oui et non.

Le biorégionalisme n’est pas un courant politique, mais plutôt une « éthique de l’échelle » (Agnès Sinaï). Il invite les acteurs des territoires à devenir conscients de leurs spécificités et spécialités et de reprendre en main leur devenir. 

D’un côté, il a pour certains courants des conséquences politiques, puisqu’il considère parfois que c’est avant tout aux citoyens de gouverner leur territoire, et non à une entité gouvernementale centralisée et perçue comme technocratique. Le biorégionalisme remet donc en question la place des institutions gouvernementales actuelles, bureaucratiques et centralisées, et est en phase avec la notion de communauté et leur autonomie politique. 

D’un autre côté, il invite les acteurs politiques locaux à la collaboration trans-frontières politiques et administratives. De nombreux sujets et donc décisions ont des conséquences qui dépassent les frontières d’une Communes, Ville, Région… comme nous l’avons par exemple vu en Wallonie avec les pratiques qui augmentent les risques d’inondation des voisins. En ce sens, le biorégionalisme invite à questionner les conflits idéologiques et les compétitions entre territoires, particulièrement lorsqu’ils sont voisins, ou logés dans un même bassin versant, voire de vie.

Enfin, avec l’approche régénérative, le biorégionalisme invite à questionner l’essence de nos territoires. L’approche globalisée nous a amené à les traiter de façon similaire. Pourtant, les territoires ont leur passé, leur ancrage spécifique géo-biologique, ils sont capables de produire des ressources différentes […]. Les technologies nous ont permis de tout dépasser (on peut produire quasi n’importe quoi n’importe où grâce à la chimie, au transport…), et pourtant il est devenu urgent de questionner les externalités. Ce faisant, il ne s’agit pas de se fermer au monde, mais de regarder les opportunités sociales, économiques et écologiques que cela génère, pour réinventer des territoires résilients et respectueux des limites planétaires.

Quelques ressources en lien, et plus à venir

Agenda

En 2024-2025, TerraLab :

  • organisera des conférences et des ateliers sur ce thème, 
  • partagera des contenus et des réflexions,
  • et réalisera un guide de réflexion et d’animation. 

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Un autre sujet sera exploré en parallèle par TerraLab, et parfois de façon croisée : l’exnovation.

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